NĂșria Añó Anna est une Ă©crivaine dâun Ăąge moyen qui a Ă©levĂ© sa fille toute seule. Dans le prĂ©sent du roman, Berta a grandi et ses doutes aussi : Ă lâanxiĂ©tĂ© de connaĂźtre son pĂšre quâelle a seulement vu sur une photo vient sâajouter sa relation fragile avec son fiancĂ© Hans marquĂ©e par une crise. Hans, quant Ă lui, travaille dans une usine. Clara, sa sĆur, est une Ă©ternelle jeune fille incomprise obsĂ©dĂ©e par un type qui conduit une moto jaune.
Cependant, câest dâabord lâhistoire dâAnna Flieder. Lorsque celle-ci choisit dâentamer lâĂ©criture dâun livre au ton plus biographique, elle est aussitĂŽt touchĂ©e par lâinspiration qui prend la forme du mĂȘme homme quâelle avait abandonnĂ© il y a des annĂ©es de cela.
"Quâest-ce qui change dans le point de vue du lecteur quand lâĂ©criture est elle-mĂȘme enjeu romanesque ? LâĂ©criture, devenue sa propre mĂ©taphore crĂ©ative, peut-elle devenir une histoire ? Dans ce roman, les rĂ©ponses Ă ces questions se lisent entre deux relations que lâĂ©crivaine, NĂșria Añó, tisse dâune main de maĂźtresse qui va trĂšs loin dans lâexploration de lâindividu contemporain. Cette exploration doit beaucoup Ă cet attachement au scĂ©nique du monde et des ĂȘtres : des espaces parcourus, des regards Ă©changĂ©s et dâautres inaperçus, des animaux presque humains et des humains brutaux ou dĂ©sespĂ©rĂ©s qui restent avec/dans leur corps souffrant ou sont en dĂ©calage par rapport Ă autrui. Un roman qui efface sciemment toutes les nuances nationales et gĂ©ographiques pour se loger dans cet autre possible mĂ©connu, la province des humains comme dirait Elias Canetti, Ă la fois province et monde Ă soi.
Ainsi, les personnages du rĂ©cit : Anna, Hans, Berta et Emil qui ne sont que la trame de relations psychanalytiques complexes entre le dĂ©sir, lâamour et lâautorĂ©alisation mettent en jeu des rapports de symĂ©trie entre familles, gĂ©nĂ©rations et solitudes rĂ©elles. En outre, les polaritĂ©s entre les deux familles de Berta et de Hans ne sont pas tellement tranchĂ©es, elles ne signifient pas seulement la polaritĂ© entre la bourgeoisie de lâĂ©criture et de la musique (Anna et sa fille) et la classe ouvriĂšre de la cuisine et de la chasse (Hans, son pĂšre, sa mĂšre). Le roman donne ainsi lieu Ă des similaritĂ©s de solitudes, dâincomprĂ©hension et dâincommunication : les tentatives de suicide de lâadolescente Clara/les traumatismes dâAnna ou encore la virilitĂ© fuyante de Hans / le machisme manipulateur dâEmil.
De lâautre cĂŽtĂ©, les personnages du roman qui sâĂ©crit en abyme, celui dâAnna (ou de N), femme forte et fragile Ă la fois qui refuse lâabsurditĂ© de sa maternitĂ© et dâun amour qui la traumatise depuis des annĂ©es : M (ou Emil), Ă la fois narrateur, personnage et chimĂšre du passĂ© qui stimule son Ă©criture tout en lâempĂȘchant de dire oui Ă la vie au-delĂ de la fiction, par exemple, cette attirance folle par le fiancĂ© de sa fille, Berta. Dans cet autre roman, celui de lâĂ©crivaine morte qui donne lĂ©gitimement le titre du livre, on assiste au travail patient et minutieux mais aussi effroyable du monde intĂ©rieur de lâĂ©crivain(e)."
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